Jour 12

Chère maîtresse,

Si vous saviez comme je suis fière de ma nièce ! Je ne peux que vous partager sa réflexion d’une immense maturité. Pour une enfant de 8 ans, vous ne sauriez la lire sans en être étonnée.

Figurez-vous que son institutrice leur demande tous les matins de rédiger une pensée du jour. Apprendre à penser, n’est-ce pas la spécificité du pays des Lumières ? Je ne peux qu’applaudir cette initiative. Par les temps et les virus qui courent, c’est d’autant plus important ! Pensons à tous ces pauvres enfants confinés, enfermés dans leurs pensées. Voilà donc ma nièce face à sa pensée du jour.

La réponse est admirable : « Je n’aime pas la pensée du jour. Je n’ai pas d’idées, et elle est inutile. » N’est-ce pas d’une grande sagacité ? Un esprit obtus y verrait une once de lassitude mâtinée d’insolence. Que nenni ! « Nous sommes nos choix », disait Sartre. Vous comprenez la puissance de cette opposition ? A 8 ans, cette enfant a tout compris. Il y a du Sartre dans son non et surtout beaucoup d’audace: la force d’exister. Dans ce « je n’ai pas d’idées », je note également une référence claire au célèbre « la chair est triste, hélas, et j’ai lu tous les livres » de Mallarmé. Quelle intertextualité !

Ah, chère maîtresse, nos enfants nous dépassent, ils brillent déjà loin de nous quand nous restons confinés dans notre quotidien. Je vous demande donc la meilleure note possible pour cette pensée du jour. Elle aura eu le mérite de nous avoir tous fait réfléchir. Je la verrai bien même en sujet de philo du bac. D’aucuns diront que nous, les parents, sommes très fatigués par cette seconde semaine. Je ne me suis au contraire jamais sentie la critique aussi aiguisée. Merci de rouvrir nos esprits à la philosophie ! Bon week-end et à lundi,

Aurélie

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