JOYEUX ANNIVERSAIRE, chère maîtresse !

Trois ans que vous me supportez ! Trois ans que nous cheminons main dans la main… Et que je vous ai envoyé la bagatelle de 96 lettres… Chère maîtresse, notre idylle a commencé le 16 mars 2020 quand nos écoles ont fermé. Le COVID ne nous a pas tuées, il nous a inspirées. J’attendais depuis tant de mois la parution de mon premier roman édité. Le couperet est tombé. Les librairies fermaient, le roman était décalé. Bien sûr, c’était sans gravité mais la pilule avait du mal à passer. J’ai fait le pari de vous écrire chaque jour de fermeture de l’école, et tant que cela durerait. Chère maîtresse, il y a eu des moments terribles, je ne vous le cacherai pas. Il y a eu des larmes, de la colère, des enfants, des parents, des angoisses que, j’espère, mes fils oublieront. Pour ne garder que cette compilation-là. Humoristique, peut-être peu réaliste, mais c’est comme cela que l’on construit les plus beaux des souvenirs. Toutes mes chroniques sont désormais disponibles sur mon beau site internet refait à neuf par un mari patient, patient, si patient que s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer. L’intégral, c’est par ici ! https://aurelie-tramier.fr/category/chere-maitresse/ #aurelietramier#cheremaitresse#lintegrale#chroniquedunemamanconfinee#parentalite#confinement#ecolealamaison#education#ecoleprimaire

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Chère Maîtresse,école à la maison – le retour, jour 1.

Chère Maîtresse, école à la maison - le retour, jour 1.  Ici à Munich, les écoles viennent de refermer. Heureusement que cela ne dure que trois jours. Toute la nuit, j'en ai eu les mains moites. J'ai rêvé que j'étais coincée entre les pages d'un cahier de grammaire, mon futur n'était plus qu'un conditionnel et mon présent était très imparfait. A 7h30, je me suis réveillée en sursaut, mon fils était hilare à sa table de travail, ses cahiers grand ouverts devant lui. "Maman, on fait école à la maison, c'est trop chouette, hein?" J'ai opiné en silence en croisant les doigts dans mon dos. A 7h52, il en avait assez. Il a rangé d'un air plus-que-parfait son cahier de conjugaison pour le moins imparfait, pour saisir celui de maths, transformant au passage mes rêves de boulot en un passé simple bien vite oublié. La sueur a perlé sur mon front. Ma journée devenait aussi complexe qu'une équation à deux inconnues, mon fils était le y et moi j'étais le x, nous nous courions après sans jamais nous trouver.  A 8h10, j'ai déclaré forfait et suis retournée me coucher... A 8h12, son petit frère a déboulé les bras chargés de feutres:…

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JOUR 50

JOUR 50 Chère Maîtresse, Après la philosophie chinoise et l’histoire égyptienne, voici que mon fils s’attaque aux poètes du XVIIe siècle… On n’arrête plus son appétit pour la culture ! Les vertus du confinement, qui l’eut cru ? Son dessin, croqué à la va-vite sur un cahier taché, c’est tout Boileau en fait ! N’est-ce pas évident ? « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. » Voilà… Je crois que Boileau a écrit cela pour nous, en se projetant dans 2020. Nul besoin de tergiverser, soyons directs quand trois mots suffisent, preuve que le sentiment de mon fils est bien conçu et que tout est bien clair : « MARRE DU CONFINEMENT ». L’émoticône en grrr est bien sûr un plus que Boileau ne pouvait inventer, mais enfin, il faut vivre avec son temps… Ah, maîtresse, je crois que les enfants ont ce don de dire simplement ce que tout le monde a très envie d’exprimer. C’est merveilleux. Encore bravo pour tout ce travail culturel de fond que vous avez mené en classe cette année. Je suis bien heureuse de voir mon fils aussi cultivé : les pharaons, Confucius, Lao Tseu,…

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Jour 32

Chère Maîtresse, Aujourd’hui, nous avons rattrapé notre retard en grammaire et nous sommes penchés sur le PASSIF. Mais voyez-vous, je n’avais jamais réalisé à quel point le passif est ESSENTIEL à la vie d’un enfant ! Je ne cesse d’avoir des révélations face à vos cours de grammaire. Voici un exemple probant : l’autre nuit, mon plus petit débarque à 3 heures du matin avec cette jolie phrase : « Maman, mon lit est tout mouillé ! » Formule merveilleuse, n’est-ce pas, qui a surtout le mérite de le dédouaner de toute responsabilité ! Oseriez-vous accuser mon fils de faire pipi au lit, lui qui vous regarde de son air de chat, les joues baignées de larmes, en essorant son pyjama ! Bien sûr que non, c’est la magie du passif ! Au passif, « le sujet subit l’action ». Chez nous, les enfants sont des oies blanches, et les lits se mouillent tout seuls. Même prodige dans la cuisine : voici que les placards sont accusés de tous les maux : « Maman, le chocolat a été fini ! » [Penses-tu, mon chéri, tu en as pris 5 carrés hier, et tes frères au moins autant!] Du fond de…

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Jour 31

Chère Maîtresse, Ce matin, mon fils évoque une certaine « Iphygiénique ». N’est-ce pas extraordinaire ? Je ne peux que m’ébahir de la culture acquise cette année par mes enfants auprès de vous, et j’ai d’abord envie de vous dire bravo, parce qu’à 8 ans, connaître "Iphigénie", Racine et le théâtre du XVIIe siècle, cela me laisse sans voix… J’entends d’ici les applaudissements confinés de nos chers académiciens. Mais surtout, ne faut-il pas voir dans cette déformation d’Iphigénie, couplée à « hygiénique », une étonnante sagacité ? Les enfants ont toujours eu cette espèce de 6e sens que les adultes ont perdu, une sorte de naïveté primitive et candide qui leur permet de voir plus loin. Mon fils savait-il à l’avance que l’enjeu le plus crucial de ce début d’année 2020 serait le papier hygiénique ? Car oui, l’hygiène est bien le nerf de la guerre. Je me rengorge donc, je glousse, je lui caresse la tête. Je lui demande : « Mais comme c’est bien mon chéri, où as-tu entendu parler d’Iphigénie ? ». Réponse blasée : « Ben à l’école ». Ah, chère maîtresse, j’ai toujours su que vous étiez exceptionnelle, au moins autant que mon fils. «…

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Jour 30

Chère Maîtresse, Hier, quand nous avons eu l’annonce que l’école n’allait pas rouvrir tout de suite toute de suite, une fois le choc passé, mon fils m’a dit avec une grande maturité. « Tu sais, je ne suis pas triste. Les copains me manquent, mais quand on fait l’école à la maison, y a plus de cours le matin, et c’est vraiment mieux. » Ah maîtresse, vous imaginez ma joie ! Ce moment de reconnaissance suprême où mon fils me dit que je suis mieux que vous ! Sans vouloir vous offenser, il faut bien reconnaître que cela fait plaisir. Parce que pour vous, tout est facile et évident, bien sûr, vous connaissez toutes les ficelles du métier, mais pour nous, pauvres parents, quel désarroi ! Je l’ai toujours su, les enfants ne sont pas ingrats, ils savent se rendre compte des efforts fournis et de la qualité du travail accompli ! Je me rengorge, je cache mon sourire, je décide de creuser, de repasser un petit coup de pommade : « Ah oui, les cours sont plus longs ? Tu veux dire que tu aimes bien quand on travaille ensemble, toi et moi ? » Il en lâche le…

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Jour 29

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’est férié, mais il m’est arrivé quelque chose de si extraordinaire que j’avais envie de vous le raconter. Aujourd’hui j’ai bossé ! Oui, oui, en vrai, plusieurs heures d’affilée, sans être interrompue, et je me suis sentie… comment dire… en vacances ! C’était une sensation étrange que j’avais presque oubliée. Attention, ne vous méprenez pas, je ne dis pas qu’être maîtresse pendant les dernières semaines n’était pas un travail, bien sûr que si, surtout quand j’imagine que vous, vous en avez 25 ! Vous êtes ma déesse ! Mais là, je parle bien de mon vrai travail ! J’avais même oublié que j’en avais un, j’ai dû relire ma job description avant de m’y remettre… Le jour était bloqué depuis des semaines dans mon agenda. Forcément, un jour férié, mon mari serait rentré ! Vous comprenez, ces dernières semaines, il a été en déplacement tout le temps. Il ne cessait de voyager entre la cave et le frigo, impossible de le déranger. « Tu comprends chérie, la cave, c’est quand même plus calme pour les appels importants. » Et pendant ce temps-là, moi, je n’ai fait que jouer : à la maîtresse, à la cantinière, à l’infirmière,…

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Jour 13

Chère Maîtresse, Hélas, c’est samedi… Et maintenant, que vais-je faire ? Les enfants errent dans la maison, s’excitent, et je m’ennuie… Pour me consoler, je vous ai concocté un poème, que vous recopierez dans le cahier rouge et illustrerez pour la rentrée, merci. La maman ayant trimé d’arrache-pied Se trouva fort dépourvue Quand samedi fut venu… Pas un seul petit exo de maths ou d’histoire-géo… Elle alla crier famine, Chez la maîtresse, sa voisine, La priant de lui prêter Une dictée pour subsister Jusqu’à la semaine nouvelle. « Il faut m’aider, lui dit-elle, Les enfants crient, c’est infernal, Il me faut toutes vos annales ! » La maîtresse est pointilleuse, c’est là son moindre défaut. « Où étiez-vous à la dernière sortie de classe ? Dit-elle à cette ennuyeuse. - Nuit et jour, à tout venant, je bossais, ne vous déplaise. - Ah, vous bossiez, j’en suis fort aise. Eh bien ! Jouez, maintenant !

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Jour 12

Chère maîtresse, Si vous saviez comme je suis fière de ma nièce ! Je ne peux que vous partager sa réflexion d’une immense maturité. Pour une enfant de 8 ans, vous ne sauriez la lire sans en être étonnée. Figurez-vous que son institutrice leur demande tous les matins de rédiger une pensée du jour. Apprendre à penser, n’est-ce pas la spécificité du pays des Lumières ? Je ne peux qu’applaudir cette initiative. Par les temps et les virus qui courent, c’est d’autant plus important ! Pensons à tous ces pauvres enfants confinés, enfermés dans leurs pensées. Voilà donc ma nièce face à sa pensée du jour. La réponse est admirable : « Je n’aime pas la pensée du jour. Je n’ai pas d’idées, et elle est inutile. » N’est-ce pas d’une grande sagacité ? Un esprit obtus y verrait une once de lassitude mâtinée d'insolence. Que nenni ! « Nous sommes nos choix », disait Sartre. Vous comprenez la puissance de cette opposition ? A 8 ans, cette enfant a tout compris. Il y a du Sartre dans son non et surtout beaucoup d’audace: la force d'exister. Dans ce « je n’ai pas d’idées », je note également une référence…

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Jour 11

Chère maîtresse, aujourd'hui, j'ai fait un affreux cauchemar. Mes mains sont encore moites, mon cœur palpite trop vite. Trigonométrie...Rien que son nom me glace le sang. A quoi sert vraiment cette matière imprononçable? Parce que franchement, au bureau, hormis les ORL, je ne vois pas bien qui parle de sinus (et cosinus) à la machine à café... Seulement voilà. Aujourd'hui, j'ai eu une révélation. Les cieux se sont ouverts devant moi et m'ont parlé trigo. Aujourd'hui, nous avions musique. En ligne. Via whatsapp. Quel rapport ? Ah, chère maîtresse, ne soyez pas si terre-à-terre. C'est une question de plan ! Imaginez. Vous êtes flûtiste. Vous prenez votre téléphone, vous le posez sur le pupitre, vous jouez, le prof voit, le tour est joué. Plan 2D. Remplacez le pipeau par une batterie... Le plan 2D coince, on ne voit rien. Et vlan, sinus et cosinus, les Laurel & Hardy de la géométrie... Imaginez: quel triangle tracer entre la batterie, le téléphone, - qui doit la voir entièrement-, et le pupitre, le tout en restant audible ? Mes mains redeviennent moites, mon cœur palpite trop vite. Parce que quand on achète une batterie, on ne pense pas à la prendre au format…

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Jour 9

Chère maîtresse, quelle histoire, cette première vidéo-classe ! Il fallait voir la tête de mon fils quand il a appris. Dès le matin, il avait la banane d'une oreille jusqu'à l'autre. A 11 heures pétantes, il piaffait devant l'ordi. "Et on allume comment?" Ben là, c'est simple, t'as tout éteint...Et qu'il tire sur les fils, branche et débranche. Le voilà enfin, casque et micro chaussés, à se fendre la poire, hilare. Des petites têtes apparaissent à l'écran. On se salue, on crie de joie, on se fait signe: "Coco, t'es là, t'as pas changé dis donc ! " A croire qu'ils s'étaient donné rendez-vous dans dix ans, même jour même heure même pommes ! Le cours commence: l'invasion des Huns. J'aurais plutôt misé sur celle des CM1. 25 petits sauvages tordus de rire hennissent à l'écran et s'agitent dans tous les sens. Le déferlement des barbares en temps réel! Ils en oublient même qu'ils ne sont pas en classe. Depuis le couloir, je vois le mien taper discrètement sur l'icône de son copain: "Pstt…" L'autre ne répond pas. Forcément. Un peu plus fort… "Arthuro". Toujours rien. Air désespéré de l'intéressé qui continue à faire de grands signes à l'écran. Comment…

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Jour 8

Chère maîtresse, Le lundi c’est piscine… La seule activité qui ne fasse pas partie de la liste du jour, et la seule que mon fils veuille absolument faire : « Mais si, le lundi c’est TOUJOURS piscine ! » Devant la houle qui grondait dans ses yeux, on a donc rempli la baignoire, vidé une cartouche d’encre dans l’eau, et collé les coloriages poissons de PS autour. Et voilà le grand aquarium de Paris en direct dans la salle de bains. Pendant ce temps, le petit trépignait : « On dit que je suis le dauphin, ok ? Et toi, le requin ! Et toi Maman ? Euh, la baleine ! » Côté timing, c’était le Titanic. Le navire a pris l’eau… 1h de préparation, 30 minutes de sport, 2h30 de rangement (passer la baignoire à l’effaceur, c’était bien le plus long)… Il était 15h quand j’ai refait surface et jeté l’éponge sur la dictée et le calcul… Mais il y avait toujours le programme de PS à entamer. L’atelier « transvasement de petits objets » était une superbe idée, mon fils a adoré, puis on a mis deux heures à ramasser les lentilles éparpillées de tous côtés… Vous seriez…

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Jour 5

Chère maîtresse, Veuillez m’excuser de ne pas vous avoir écrit hier, j’étais clouée au lit par une vilaine fièvre déguisée en angine... Comme quoi, 3 jours d’école à la maison ont eu raison de moi.. Plus que 30… Je vous laisse imaginer dans quel état vous me retrouverez…Probablement au bout du rouleau, je vous laisse choisir vous-même duquel nous parlons. Comme dit l’adage, quand le prof n’est pas là, les élèves dansent. Avec leur père aux manettes (et pas que de la console), les enfants ont terminé le programme de sport jusqu’à fin 2022… Je crains néanmoins qu’ils n’aient pas vu les très belles fiches de positions de yoga que vous nous aviez envoyées et aient opté pour un sport un peu plus “musclé”… Basket de 9 à 10, trampoline sur les lits, plongée sous-marine dans la baignoire– il paraît même qu’ils y ont vu une baleine…- et 2km à pied dans les escaliers… Ce qui au final fait beaucoup d’escaliers, et pour moi, un mal au crâne renforcé. Peut-être trouverez-vous aussi vaguement une ombre d’exercice dans le cahier, si tel n’est pas le cas, je vous saurai gré par avance de votre compréhension. Mais le père est à tout…

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