JOUR 51

JOUR 51 Chère Maîtresse, Ce matin, je reçois ce petit message affolé de mon fils en pleine vidéo-classe, alors que j’étais moi-même en call avec un client : « Mon iPad n’a plus de batrie [sic], je peux en avoir un autre ? » Ah, maîtresse, il est grand temps d’expliquer la vie à nos chers petits… Si la voiture n’a plus d’essence, on ne la change pas pour autant, non ? Eh bien, pareil pour la tablette… Mon enfant, tu vois le petit fil, là ? Tu le prends et tu le branches. Et puis, le dictionnaire est sur ton bureau. Tu pourras recopier dix fois le mot « batterie », instrument dont tu joues et qui t’a semble-t-il tapé sur la tête… Alors voilà, au début, j’ai un peu ri quand même. Il y a quelques semaines, j’aurais trouvé ce message saugrenu… Mais beaucoup de virus ont passé sous les ponts, et d’un coup, je me suis sentie comme un dinosaure… De mon temps, j’avais une trousse, une jolie trousse ronde bien garnie d’où débordaient des crayons de toutes sortes, des stylos 4 couleurs, une gomme rose et bleue... Chaque matin, je l’installais sur mon bureau en bois,…

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JOUR 46

JOUR 46 Chère Maîtresse, Les enfants ont l’art de se poser des questions essentielles. En ce moment, tous les débats familiaux tournent autour du port du masque. Où et quand, masque ou pas masque, telle est la question… Il y a ceux qui aiment, ceux qui n’aiment pas, ceux qui suffoquent, ceux qui s’en moquent. Il n’en résulte pas moins que le port du masque est ici obligatoire dans les transports et les magasins. Nouvelle annonce de taille, les piscines rouvriront fin mai. Pour les Allemands, le Freibad, extraordinaire piscine publique extérieure à espaces multiples est une institution. Les enfants en rêvent toute l’année et attendent dès mai leur ouverture en trépignant. Suite à cette annonce, les questions vont bon train. « Est-ce qu’il faudra porter un masque aussi ? Faudra-t-il une distance de sécurité dans la queue du toboggan ? Comment on fera pour manger une glace ? » Mon plus grand me regarde d’un coup d’un air songeur. A 10 ans, on comprend mieux la vie, c’est certain. Il me dit : « Mais, maman, tu te souviens, au Freibad, il y a des espaces spéciaux pour les gens tout nus, tu sais, derrière les barrières… » Je…

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JOUR 45 Chère Maîtresse, Depuis qu’ils ont vu Mulan, mes enfants se passionnent pour la philosophie chinoise.

JOUR 45 Chère Maîtresse, Depuis qu’ils ont vu Mulan, mes enfants se passionnent pour la philosophie chinoise. Aujourd’hui, en poussant la porte d’entrée, je me retrouve nez à nez avec un panda en peluche qui joue au cochon pendu. Je n’ose d’abord interrompre cet animal en lévitation, sans doute en pleine prière. Puis ne le voyant décidément pas bouger, je lève les yeux et découvre dans la cage d’escalier une liane de doudous, pendus les uns aux autres, depuis le 2e étage jusqu’à la sortie… Je grimpe. Lapin, hippo, renard, doudous en tous genres se tiennent par la patte dans un élan de solidarité, unis dans un même esprit, et retenus au point ultime par la queue d’un Marsupilami… Ça sent la grande évasion, le confinement arrivé à saturation… Et c’est là, chère maîtresse, que je reconnais la force de la pensée chinoise. Confucius clamait : « Une image vaut mille mots » … Plutôt que de hurler, de crier à qui mieux mieux « laissez-nous sortir », les enfants nous montrent la voie, nous rappelant au passage la philosophie de Lao Tseu : « Il faut trouver la voie ». Ma foi, mes enfants l’ont trouvée, sans même qu’on…

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JOUR 40

JOUR 40 Chère Maîtresse, Aujourd’hui, j’ai vécu un rêve. C’était si doux… Et je m’endors ce soir des étoiles plein les yeux. C’est pour cela que je vous écris, c’est important : dites bien aux enfants que cela arrive vraiment, que les Cendrillons se transforment en princesses, que oui, il suffit d’en rêver pour le devenir ! Et cela marche aussi pour les petits princes. Alors voilà… Ce matin, je me suis levée tout excitée : c’était enfin le grand jour. Trois semaines que je l’attendais et que je devais sans cesse passer mon tour : ma première angine, celle de mon fils, ma seconde angine.. Je voyais à chaque fois mon mari sortir ravi et revenir détendu. Mais ce matin, tout allait bien : les petits oiseaux m’ont réveillée, j’ai sauté de mon lit, chanté devant mon placard, j’ai sorti ma tenue de lumière, un peu poussiéreuse mais si merveilleuse, et chaussé mes pantoufles de vair. A talon bien sûr, hauts, très hauts, il fallait fêter ça ! Ah maîtresse, quelle joie, aujourd’hui, je sortais ! J’ai quitté ma tenue ménagère, délaissé mon boulot, oublié les lessives, me suis coiffée, maquillée, j’ai même verni mes ongles. De nos jours,…

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JOUR 39

JOUR 39 Chère Maîtresse, Je crains fort que l’on nous ait menti… Dès le début de confinement, les gens criaient de tous côtés qu’enfin, enfin, nous allions lire ! Et moi de me réjouir de cette si belle opportunité… Six semaines ont passé, et mon bilan semble bien maigre… En raclant bien les fonds de tiroirs, je ne trouve guère plus que 2 Elle, 1 Paris Match, et tout de même un roman de 200 pages… Pour me donner bonne figure, j’ajoute bien volontiers 350 lectures du Gruffelo, 235 de Timoté fait du ski, et une douzaine d’Au lit les affreux. Voilà…Ce bilan chétif m’a de fait questionnée… Après avoir tourné et retourné la question dans tous les sens, j’ai trouvé la solution… Mais pour vous aider à passer le temps, je vous la laisserai deviner. Chère Maîtresse, une mère de 3 enfants effectue 2 lave-vaisselle par jour. Il faut 10 minutes pour le charger, et 10 minutes pour le vider. A cela s’ajoute pas moins de 7 lessives par semaine, 10 minutes à charger, 30 minutes à étendre, détendre, vider, plier, ranger…J’ajoute volontiers 3 repas par jour (10 minutes pour mettre le couvert, 15 pour ranger), dont deux qui…

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Jour 37

Chère Maîtresse, Aujourd'hui, nous avons décidé de nous offrir une petite page d’histoire. Et nous voici plongés dans la Grande Vadrouille, monument d’anthologie à la qualité historique et objective certaine. Les enfants étaient ravis, ils avaient compris la Pat' Patrouille et s’attendaient à voir une bande de chiots précoces nous délivrer de notre virus ennemi. Dès les premières secondes, ils ont déchanté en découvrant la première phrase du générique : « Les films CORONA présentent »… « Maman, non, pas un film d’horreur ! » Je précise que ce n’est pas une blague, photo à l'appui... Ils étaient tous à trembler sous la couette et nous avons dû jurer que ce film n’était pas contagieux. Par mesure de sécurité, ils l’ont regardé masqués. Après cette parenthèse historique, où les anglais sont des pochtrons, les français des hystériques et les allemands n’en parlons pas, mon moyen ne cessait de sursauter en entendant la langue de Goethe. Comme nous habitons Munich, c’est pour le moins gênant. Pendant le dîner, la conversation dérive sur la Thaïlande. « C’est où ? », me demande-t-il. « En Asie ». Le revoilà sous la table : « En nazi, mais il ne faut surtout pas y…

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Jour 36

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’était la rentrée. Une rentrée qu’on aurait bien aimé faire en classe, mais que l’on fera sur place. Mon fils, encore tout endormi, m'a demandé comment on pouvait rentrer puisqu'on n'était jamais sorti... C'était une bonne question. Il a fallu ruser... Ni une ni deux, tout le monde sac sur le dos, on ouvre la porte, on sort, on fait le tour de la maison, on entre par l'autre porte. La classe peut commencer... Face au ciel bien terne et au coeur des enfants en berne, votre idée de leur faire écrire une poésie sur les nuages a été un vrai rayon de soleil. Je vous retranscris ci-dessous celle de mon fils, que je trouve bien jolie : Les nuages sont un bonheur. Il nous apporte la pluie, les gouttes d’eau. Tout ce qui nous rend heureux ! Les enfants sautent dedans. Les gens sautent de joie, les martiens sont contents. Les adultes aussi. Ils peuvent essayer leurs nouveaux parapluies. Les escargots sont contents. Ils sortent enfin de leurs belles coquilles. Les jardiniers sont contents, plus besoin d’arroser les légumes. Les nuages sont un bonheur. Chère maîtresse, vous ne pouviez pas trouver thème plus joli pour cette…

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Jour 32

Chère Maîtresse, Aujourd’hui, nous avons rattrapé notre retard en grammaire et nous sommes penchés sur le PASSIF. Mais voyez-vous, je n’avais jamais réalisé à quel point le passif est ESSENTIEL à la vie d’un enfant ! Je ne cesse d’avoir des révélations face à vos cours de grammaire. Voici un exemple probant : l’autre nuit, mon plus petit débarque à 3 heures du matin avec cette jolie phrase : « Maman, mon lit est tout mouillé ! » Formule merveilleuse, n’est-ce pas, qui a surtout le mérite de le dédouaner de toute responsabilité ! Oseriez-vous accuser mon fils de faire pipi au lit, lui qui vous regarde de son air de chat, les joues baignées de larmes, en essorant son pyjama ! Bien sûr que non, c’est la magie du passif ! Au passif, « le sujet subit l’action ». Chez nous, les enfants sont des oies blanches, et les lits se mouillent tout seuls. Même prodige dans la cuisine : voici que les placards sont accusés de tous les maux : « Maman, le chocolat a été fini ! » [Penses-tu, mon chéri, tu en as pris 5 carrés hier, et tes frères au moins autant!] Du fond de…

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Jour 31

Chère Maîtresse, Ce matin, mon fils évoque une certaine « Iphygiénique ». N’est-ce pas extraordinaire ? Je ne peux que m’ébahir de la culture acquise cette année par mes enfants auprès de vous, et j’ai d’abord envie de vous dire bravo, parce qu’à 8 ans, connaître "Iphigénie", Racine et le théâtre du XVIIe siècle, cela me laisse sans voix… J’entends d’ici les applaudissements confinés de nos chers académiciens. Mais surtout, ne faut-il pas voir dans cette déformation d’Iphigénie, couplée à « hygiénique », une étonnante sagacité ? Les enfants ont toujours eu cette espèce de 6e sens que les adultes ont perdu, une sorte de naïveté primitive et candide qui leur permet de voir plus loin. Mon fils savait-il à l’avance que l’enjeu le plus crucial de ce début d’année 2020 serait le papier hygiénique ? Car oui, l’hygiène est bien le nerf de la guerre. Je me rengorge donc, je glousse, je lui caresse la tête. Je lui demande : « Mais comme c’est bien mon chéri, où as-tu entendu parler d’Iphigénie ? ». Réponse blasée : « Ben à l’école ». Ah, chère maîtresse, j’ai toujours su que vous étiez exceptionnelle, au moins autant que mon fils. «…

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Jour 30

Chère Maîtresse, Hier, quand nous avons eu l’annonce que l’école n’allait pas rouvrir tout de suite toute de suite, une fois le choc passé, mon fils m’a dit avec une grande maturité. « Tu sais, je ne suis pas triste. Les copains me manquent, mais quand on fait l’école à la maison, y a plus de cours le matin, et c’est vraiment mieux. » Ah maîtresse, vous imaginez ma joie ! Ce moment de reconnaissance suprême où mon fils me dit que je suis mieux que vous ! Sans vouloir vous offenser, il faut bien reconnaître que cela fait plaisir. Parce que pour vous, tout est facile et évident, bien sûr, vous connaissez toutes les ficelles du métier, mais pour nous, pauvres parents, quel désarroi ! Je l’ai toujours su, les enfants ne sont pas ingrats, ils savent se rendre compte des efforts fournis et de la qualité du travail accompli ! Je me rengorge, je cache mon sourire, je décide de creuser, de repasser un petit coup de pommade : « Ah oui, les cours sont plus longs ? Tu veux dire que tu aimes bien quand on travaille ensemble, toi et moi ? » Il en lâche le…

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Jour 29

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’est férié, mais il m’est arrivé quelque chose de si extraordinaire que j’avais envie de vous le raconter. Aujourd’hui j’ai bossé ! Oui, oui, en vrai, plusieurs heures d’affilée, sans être interrompue, et je me suis sentie… comment dire… en vacances ! C’était une sensation étrange que j’avais presque oubliée. Attention, ne vous méprenez pas, je ne dis pas qu’être maîtresse pendant les dernières semaines n’était pas un travail, bien sûr que si, surtout quand j’imagine que vous, vous en avez 25 ! Vous êtes ma déesse ! Mais là, je parle bien de mon vrai travail ! J’avais même oublié que j’en avais un, j’ai dû relire ma job description avant de m’y remettre… Le jour était bloqué depuis des semaines dans mon agenda. Forcément, un jour férié, mon mari serait rentré ! Vous comprenez, ces dernières semaines, il a été en déplacement tout le temps. Il ne cessait de voyager entre la cave et le frigo, impossible de le déranger. « Tu comprends chérie, la cave, c’est quand même plus calme pour les appels importants. » Et pendant ce temps-là, moi, je n’ai fait que jouer : à la maîtresse, à la cantinière, à l’infirmière,…

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JOUR 26

Chère Maîtresse, Le soleil brille haut, les petits oiseaux chantent dans le ciel, les nuages nous saluent, c’est le printemps ! Ah, si seulement nous pouvions tous sortir et cesser de jouer au base-ball sur le canapé. Car oui, je vous le dis sans ambages, mon logis est un taudis… Ah, maîtresse, maîtresse, vous l’aurez compris, nos maisons ne se remettront pas de ce virus maudit. Imaginez trois adorables lions enfermés dans une cage, dorée, certes, mais une cage quand même. Les meubles renversés en une seule journée, les jouets éparpillés, je ne cesse de ranger... Et vive le balai... O rage, ô désespoir, ô confinement ennemi, N’ai-je donc tant vécu que pour ce grand taudis ? Et ne suis-je blanchie dans les tâches ménagères Que pour voir, en un jour, tout couvert de poussière ? Mon bras qu’avec respect toute la famille admire, Mon bras qui tant de fois a sauvé le tapis, Tant de fois astiqué les chaises et le buffet Ne sait donc plus que faire et ne peut me sauver ? O cruel souvenir de mon ordre passé, Œuvre de tant de jours en une heure effacée... Jouets, peluches, voitures, vous aurez-donc ma perte ? Maîtresse,…

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Jour 25

Chère Maîtresse, Aujourd’hui, c'était littérature. « Les enfants, on va jouer à la librairie. Vous allez chercher les livres qui vous plaisent, et nous, on viendra les acheter. » Ou comment les introduire en douceur aux plus grands auteurs français. On cherche, on fouille, et la « librairie du bonneheure » ouvre ses portes. Deux libraires hilares m’attendent en se fendant la poire. La sélection est pour le moins hétéroclite. J’y reconnais même mes romans, en bonne position sur le rayon, c'est une bonne librairie. « Bonjour, dis-je, je voudrais un livre pour un papa. » Le plus jeune se précipite : « Pour papa, je recommande "Chhht !" parce qu’il arrête pas de le dire en ce moment, et "Grosse colère", comme celle qu’il a faite quand Martin a hurlé « pipi ! » pendant sa conférence téléphonique. » Ah, fort bien… La vérité sort de la bouche des libraires. Et pour moi que diriez-vous ? « Hum, "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire", parce que c’est bientôt le tien, et que t’es vieille, enfin… pas trop mais un peu quand même ! » Comme c’est attentionné. Je ramasse mon sourire éparpillé par terre. « Et…

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Jour 23

Chère maîtresse, Hier, nous avons révisé la leçon sur le verbe. Vous serez surprise de savoir qu'elle a changé ma vie… Pour de vrai. J’ai eu une révélation. Une épiphanie. Un bouleversement pédagogique qui révolutionne à tout jamais la manière dont je parle à mes enfants. Vous dites : « Pour trouver le verbe, je le mets à la forme négative ». Sur le coup, j’ai bien cru que le confinement vous montait à la tête. Mais comme je suis de nature confiante, vous ordonnez, j’exécute. « Mon chéri, dis-je, si je dis « le chat guette la souris », où est le verbe ? ». « C’est simple, répond-il, tu dis « le chat NE guette PAS la souris », c’est guetter. » Les cieux se sont ouverts devant moi. Il suffit donc de parler à la forme négative pour se faire entendre, pourquoi n’avais-je jamais été informée ? J’ai essayé toute la journée. Je vous le jure, ça marche ! Au lieu de crier « Range ta chambre, je te l’ai déjà dit dix fois », j’ai murmuré : « NE range PAS ta chambre mon chéri, je NE te l’ai PAS dit dix fois. » Mon fils…

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Jour 22

Chère Maîtresse,Nous avons entamé le programme de lecture de vacances en 50 livres que vous nous avez envoyé. Mon fils a choisi Les mille et une nuits. J’espère que ce n’est pas prophétique… 35 me suffiront, merci. Mon fils a commencé à lire à haute voix Aladin et la lampe merveilleuse. C’était doux, c’était beau, ça sentait bon le sable chaud. Et là d’un coup, il m’est apparu… Comment ça, qui ? Le génie ! Il m’a demandé ce que je voulais, j’étais prise de court, j’ai bafouillé bêtement : « Aller chez Zara »… Ça paraît idiot comme ça, j’aurais dû dire « sauver le monde », mais ce n’est pas ce qui est venu. Je me suis retrouvée chez Zara, et là, sottement, j’ai réalisé que sans carte bleue, je n’irais pas bien loin. Le génie a ressurgi, me tendant ma carte visa. Mon cœur bondissait… Sauf que là, naïvement, je me suis rendu compte qu’avec un compte à sec, je n’irais pas bien loin. Forcément, 3 semaines sans boulot, ça ne remplit pas les poches… J’avais les larmes aux yeux quand le génie est apparu, a chargé ma carte d’un coup de baguette magique et m’a dit…

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