Chère maîtresse,
Je me suis abonnée il y a peu à une bio box étonnante. Les légumes y ont une forme étrange : trop petits, trop joufflus, trop gros, de vrais petits ovnis. Ce sont des « pas beaux », c’est écrit sur l’étiquette. Cela veut dire en fait « pas dans la norme ». Personne n’en veut, les supermarchés les rejettent, il faut les inscrire dans des circuits parallèles. Pourtant, une fois ces pauvres petits cuisinés, ils ont bien le même goût que leurs congénères. Ah, chère maîtresse, ces légumes me font bien de la peine ! Est-ce donc un si grand crime d’être biscornu ? Ainsi donc une carotte n’a pas le droit d’être atypique ?
Chère maîtresse, cette box est comme une classe, elle déborde d’êtres différents et pourtant si touchants. Ici, un artichaut au grand cœur, généreux comme tout. C’est vrai qu’en société, il a beaucoup de mal à s’intégrer, et pourtant, humainement, il vaut tellement le coup. Là, une patate douce trop agitée. Elle ne tient pas sur sa chaise, elle a du mal à se concentrer. Et ce kiwi un peu trop petit, complètement renfermé sur lui-même. Sa dyslexie le ronge, tout le monde se moque de lui. Et pourtant, quand on l’ouvre, il vous montre ses graines comme autant de trésors.
Chère maîtresse, j’ai finalement arrêté cet abonnement. J’aimais bien le concept, mais quel idéal prône-t-il ? Retirer plutôt qu’intégrer ? Certes, une carotte reste une carotte, mais si on ne parvient pas à intégrer sa différence, qu’en sera-t-il de nos enfants ? Les jeunes entre eux ne sont guère charitables. Faites-leur découvrir cette jolie phrase d’Einstein, un garçon qui, lui aussi, avait un peu de mal à l’école… « Si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est stupide ». Et vive les légumes biscornus qui rendent la cuisine tellement plus amusante !
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