Chère maîtresse,
Mes voisins sont des moines bouddhistes. Si si, je vous assure, en pleine ville, ça peut paraître étrange, mais des vrais moines en robe orange qui ne parlent pas un mot de notre langue. Dans un temple. Avec une magnifique statue de Bouddha géante dans leur jardin. Pour une mère de famille, c’est une bénédiction. Au printemps, par la fenêtre ouverte, je les entends prier. Et je me félicite chaque jour de les faire grandir en sainteté. C’est un travail exténuant, mais ces moines ne pouvaient rêver meilleurs voisins que nous. Pour pratiquer la résilience, vous comprenez. Quand ils entendent mes enfants hurler et se disputer, ils apprennent à se détacher de la contingence et de la réalité. Quand ils reçoivent, pour la trentième fois de la journée, un ballon de foot dans le nez, ils se contentent de le renvoyer par-dessus le mur. Sans un mot. Quand mon fils joue au basket dans la cour dès potron-minet, ils se mettent en position du lotus. Zen un jour, zen toujours.
Chère maîtresse, on ne parlera jamais assez de l’art de bien choisir ses voisins. Il y a quelques années, lorsque j’hébergeais notre garde partagée, je m’excusais souvent auprès de la vieille dame d’à-côté. Souriant jusqu’aux oreilles, elle me rassurait : « J’adore tous ces cris et ces rires. Les enfants, c’est la vie, et moi je suis si seule… » Dans son école primaire, mon plus petit va souvent chanter dans la maison de retraite qui jouxte la cour de récré. Sans doute les gamins s’époumonent-ils tous à tue-tête, mais cela fait si plaisir… Encore une belle histoire de voisinage. Ah, chère maîtresse, je rends grâce à mes voisins d’être ce qu’ils sont. J’ai confisqué le ballon, mais je ne doute pas que mes enfants trouveront rapidement une autre voie pour mener nos chers moines sur la route de la sainteté, et je peux vous assurer qu’elle sera bien méritée…
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