Chère Maîtresse,
cela fait bien longtemps que je n’ai pris la plume pour vous toucher un mot. J’étais un peu débordée, et puis l’actualité m’a… choquée… retournée… déprimée…
Quand j’étais petite, l’école était pour moi une grande source de joie. Les copines, les marelles, les vacances, les trappe-trappe dans la cour, les collants qui vrillent et les barrettes qui tombent. Et puis le collège est venu avec ses copains, ses amourettes, ses boutons d’acné et ses secrets. Les professeurs se sont succédés, marquant de leur sceau chaque année qui passait. Je me souviens de leur nom, leur visage et en particulier de mes profs d’histoire, Mme C., Mlle R., je les ai tant aimés, et cette matière, elle me faisait vibrer. Les années ont passé, et moi aussi, je me suis mise à enseigner. A des plus grands, beaucoup plus grands. Et je vous le confirme, c’est grisant, c’est exaltant, c’est beau de se sentir utile, d’aller titiller les esprits, mais comme c’est difficile parfois aussi, quand ils n’écoutent pas, quand ils rejettent tout, quand ils ne comprennent pas. Moi aussi, j’ai cherché bien souvent à faire accoucher des pensées, à renverser des préjugés. Jamais je n’ai imaginé que cela pouvait me mettre en danger.
Chère maîtresse, bien sûr, je pense à lui, à sa famille, à ses enfants. Mais j’ai le cœur brisé aussi pour tous ses élèves à lui, pour lesquels le collège sera désormais « ça »… « ça » sans mot pour le dire… « ça » comme unique souvenir…
Chère maîtresse, ces dernières années, mes enfants ont croisé la route de professeurs exceptionnels et bienveillants. Certains me liront, d’autres non. Qu’ils en soient remerciés, du fond du cœur, pour tout. Continuez…