Chère maîtresse,
Ne croyez rien de ce qu’a dit mon fils, je suis bien présente et je n’ai jamais été aussi en forme, si je compte sans mes cheveux que j’ai arrachés ce week-end pendant la révision de la conjugaison.
Le passé (pas si) simple. Vous me faites un sale coup. Pourquoi les Français sont-ils les seuls à dissocier ce passé exotique de l’imparfait ? Non mais parfois on se pose des questions.
Il faut dire que tout avait mal commencé. « Conjugue-moi le verbe aimer ». « J’aima, tu aimas, il aimât, ils aimarent… » (un peu comme dans ils enonmarrent sans doute). J’adopte la position du lotus et je respire profondément. « Bien, passons à la suite ». Ah, chère maîtresse, votre exercice était d’une cruelle difficulté. « Lis le texte et souligne les verbes au passé simple ou à l’imparfait ».
Trop fastoche, dit-il… Moi, perso, j’ai les pétoches. « Pour t’aider, je te fais bip quand il y a un verbe que tu oublies. » Il me regarde d’un air hautain. « Il était une fois / bip / une bande de pirates qui vivaient / bip/ sur une île. Un jour, les pirates creusèrent / bip/ une fosse. » Non non, n’allons pas plus avant, demeurons cher enfant sur ce creusèrent un peu. Bip bip et rebip. Il me regarde les yeux exorbités. Creusèrent ? Mais oui, bip bip bip ! Et là le voilà qui s’énerve : « de toute façon, c’est toujours pareil avec toi, tu me dis vraiment n’importe quoi ! Creusèrent, c’est un passé simple peut-être ? Non mais franchement, je préfère travailler sans toi. » Il claque son livre et s’en va la tête haute. Je me frappe le front. Mais bien sûr, « creusarent », c’était sans doute ça, où avais-je donc la tête…
Chère maîtresse, je vous laisse gérer ce point du passé prétendument simple. Je crois que mon fils restera à jamais imparfait. Et ce sera déjà bien.