Jour 38

Chère Maîtresse, hier, j’en ai eu gros sur la patate. Laissez-moi vous raconter par le menu. J’aurais mérité de gagner TOP CHEF tant j’avais mitonné un bon programme à mes chers petits. Il faut dire qu’on avait du pain sur la planche. A 9h, tout le monde était prêt en rang d’oignons, et nous voici au coloriage en PS, à tracer sur une feuille des arcs-en-ciel. 9h30 : chorale. Je m’époumone « savez-vous planter les choux », je tape des mains, frappe des pieds, mais la mayonnaise ne prend pas. Mon adorable enfant me regarde avec des yeux comme deux ronds de flan : « Maman, c’est quand qu’on va à l’école ? » 10h : véritable MacGyver du confinement, je transforme une boîte d’œufs en exercice de maths : « prends une carte avec un chiffre, et mets autant de billes dans la boîte que sur la carte ». On fait et on refait, le compte n’est jamais bon, cela commence à nous prendre le chou (qu’on ne sait toujours pas planter) et on dit à l’exercice d’aller se faire cuire un œuf... 11h : c’est la récré, tout le monde hurle et se dispute. La moutarde me monte…

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Jour 37

Chère Maîtresse, Aujourd'hui, nous avons décidé de nous offrir une petite page d’histoire. Et nous voici plongés dans la Grande Vadrouille, monument d’anthologie à la qualité historique et objective certaine. Les enfants étaient ravis, ils avaient compris la Pat' Patrouille et s’attendaient à voir une bande de chiots précoces nous délivrer de notre virus ennemi. Dès les premières secondes, ils ont déchanté en découvrant la première phrase du générique : « Les films CORONA présentent »… « Maman, non, pas un film d’horreur ! » Je précise que ce n’est pas une blague, photo à l'appui... Ils étaient tous à trembler sous la couette et nous avons dû jurer que ce film n’était pas contagieux. Par mesure de sécurité, ils l’ont regardé masqués. Après cette parenthèse historique, où les anglais sont des pochtrons, les français des hystériques et les allemands n’en parlons pas, mon moyen ne cessait de sursauter en entendant la langue de Goethe. Comme nous habitons Munich, c’est pour le moins gênant. Pendant le dîner, la conversation dérive sur la Thaïlande. « C’est où ? », me demande-t-il. « En Asie ». Le revoilà sous la table : « En nazi, mais il ne faut surtout pas y…

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Jour 36

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’était la rentrée. Une rentrée qu’on aurait bien aimé faire en classe, mais que l’on fera sur place. Mon fils, encore tout endormi, m'a demandé comment on pouvait rentrer puisqu'on n'était jamais sorti... C'était une bonne question. Il a fallu ruser... Ni une ni deux, tout le monde sac sur le dos, on ouvre la porte, on sort, on fait le tour de la maison, on entre par l'autre porte. La classe peut commencer... Face au ciel bien terne et au coeur des enfants en berne, votre idée de leur faire écrire une poésie sur les nuages a été un vrai rayon de soleil. Je vous retranscris ci-dessous celle de mon fils, que je trouve bien jolie : Les nuages sont un bonheur. Il nous apporte la pluie, les gouttes d’eau. Tout ce qui nous rend heureux ! Les enfants sautent dedans. Les gens sautent de joie, les martiens sont contents. Les adultes aussi. Ils peuvent essayer leurs nouveaux parapluies. Les escargots sont contents. Ils sortent enfin de leurs belles coquilles. Les jardiniers sont contents, plus besoin d’arroser les légumes. Les nuages sont un bonheur. Chère maîtresse, vous ne pouviez pas trouver thème plus joli pour cette…

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Jour 32

Chère Maîtresse, Aujourd’hui, nous avons rattrapé notre retard en grammaire et nous sommes penchés sur le PASSIF. Mais voyez-vous, je n’avais jamais réalisé à quel point le passif est ESSENTIEL à la vie d’un enfant ! Je ne cesse d’avoir des révélations face à vos cours de grammaire. Voici un exemple probant : l’autre nuit, mon plus petit débarque à 3 heures du matin avec cette jolie phrase : « Maman, mon lit est tout mouillé ! » Formule merveilleuse, n’est-ce pas, qui a surtout le mérite de le dédouaner de toute responsabilité ! Oseriez-vous accuser mon fils de faire pipi au lit, lui qui vous regarde de son air de chat, les joues baignées de larmes, en essorant son pyjama ! Bien sûr que non, c’est la magie du passif ! Au passif, « le sujet subit l’action ». Chez nous, les enfants sont des oies blanches, et les lits se mouillent tout seuls. Même prodige dans la cuisine : voici que les placards sont accusés de tous les maux : « Maman, le chocolat a été fini ! » [Penses-tu, mon chéri, tu en as pris 5 carrés hier, et tes frères au moins autant!] Du fond de…

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Jour 31

Chère Maîtresse, Ce matin, mon fils évoque une certaine « Iphygiénique ». N’est-ce pas extraordinaire ? Je ne peux que m’ébahir de la culture acquise cette année par mes enfants auprès de vous, et j’ai d’abord envie de vous dire bravo, parce qu’à 8 ans, connaître "Iphigénie", Racine et le théâtre du XVIIe siècle, cela me laisse sans voix… J’entends d’ici les applaudissements confinés de nos chers académiciens. Mais surtout, ne faut-il pas voir dans cette déformation d’Iphigénie, couplée à « hygiénique », une étonnante sagacité ? Les enfants ont toujours eu cette espèce de 6e sens que les adultes ont perdu, une sorte de naïveté primitive et candide qui leur permet de voir plus loin. Mon fils savait-il à l’avance que l’enjeu le plus crucial de ce début d’année 2020 serait le papier hygiénique ? Car oui, l’hygiène est bien le nerf de la guerre. Je me rengorge donc, je glousse, je lui caresse la tête. Je lui demande : « Mais comme c’est bien mon chéri, où as-tu entendu parler d’Iphigénie ? ». Réponse blasée : « Ben à l’école ». Ah, chère maîtresse, j’ai toujours su que vous étiez exceptionnelle, au moins autant que mon fils. «…

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Jour 30

Chère Maîtresse, Hier, quand nous avons eu l’annonce que l’école n’allait pas rouvrir tout de suite toute de suite, une fois le choc passé, mon fils m’a dit avec une grande maturité. « Tu sais, je ne suis pas triste. Les copains me manquent, mais quand on fait l’école à la maison, y a plus de cours le matin, et c’est vraiment mieux. » Ah maîtresse, vous imaginez ma joie ! Ce moment de reconnaissance suprême où mon fils me dit que je suis mieux que vous ! Sans vouloir vous offenser, il faut bien reconnaître que cela fait plaisir. Parce que pour vous, tout est facile et évident, bien sûr, vous connaissez toutes les ficelles du métier, mais pour nous, pauvres parents, quel désarroi ! Je l’ai toujours su, les enfants ne sont pas ingrats, ils savent se rendre compte des efforts fournis et de la qualité du travail accompli ! Je me rengorge, je cache mon sourire, je décide de creuser, de repasser un petit coup de pommade : « Ah oui, les cours sont plus longs ? Tu veux dire que tu aimes bien quand on travaille ensemble, toi et moi ? » Il en lâche le…

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Jour 29

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’est férié, mais il m’est arrivé quelque chose de si extraordinaire que j’avais envie de vous le raconter. Aujourd’hui j’ai bossé ! Oui, oui, en vrai, plusieurs heures d’affilée, sans être interrompue, et je me suis sentie… comment dire… en vacances ! C’était une sensation étrange que j’avais presque oubliée. Attention, ne vous méprenez pas, je ne dis pas qu’être maîtresse pendant les dernières semaines n’était pas un travail, bien sûr que si, surtout quand j’imagine que vous, vous en avez 25 ! Vous êtes ma déesse ! Mais là, je parle bien de mon vrai travail ! J’avais même oublié que j’en avais un, j’ai dû relire ma job description avant de m’y remettre… Le jour était bloqué depuis des semaines dans mon agenda. Forcément, un jour férié, mon mari serait rentré ! Vous comprenez, ces dernières semaines, il a été en déplacement tout le temps. Il ne cessait de voyager entre la cave et le frigo, impossible de le déranger. « Tu comprends chérie, la cave, c’est quand même plus calme pour les appels importants. » Et pendant ce temps-là, moi, je n’ai fait que jouer : à la maîtresse, à la cantinière, à l’infirmière,…

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Jour 22

Chère Maîtresse,Nous avons entamé le programme de lecture de vacances en 50 livres que vous nous avez envoyé. Mon fils a choisi Les mille et une nuits. J’espère que ce n’est pas prophétique… 35 me suffiront, merci. Mon fils a commencé à lire à haute voix Aladin et la lampe merveilleuse. C’était doux, c’était beau, ça sentait bon le sable chaud. Et là d’un coup, il m’est apparu… Comment ça, qui ? Le génie ! Il m’a demandé ce que je voulais, j’étais prise de court, j’ai bafouillé bêtement : « Aller chez Zara »… Ça paraît idiot comme ça, j’aurais dû dire « sauver le monde », mais ce n’est pas ce qui est venu. Je me suis retrouvée chez Zara, et là, sottement, j’ai réalisé que sans carte bleue, je n’irais pas bien loin. Le génie a ressurgi, me tendant ma carte visa. Mon cœur bondissait… Sauf que là, naïvement, je me suis rendu compte qu’avec un compte à sec, je n’irais pas bien loin. Forcément, 3 semaines sans boulot, ça ne remplit pas les poches… J’avais les larmes aux yeux quand le génie est apparu, a chargé ma carte d’un coup de baguette magique et m’a dit…

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Jour 19

Chère Maîtresse,C’est officiel, les enfants sont en vacances, de bien étranges « vacances ». Voilà déjà 3 semaines que nous, les parents, avons repris tant bien que mal le flambeau de l’enseignement. Il y a eu des larmes et des erreurs, de la joie, de l’ennui, des vagues d’angoisse aussi. Ce dont je suis sûre, maîtresse, c’est que vous pouvez être franchement fière de nous. Parce que quand même, on y est arrivé, pas vrai ? Et tant pis si ce n’est pas parfait. Et il y a une autre chose dont je suis sûre aussi. Si les parents peuvent un temps remplacer l’école, l’école, elle, ne pourra jamais être remplacée. Jamais. Car rien ne vaut un secret échangé à la récré, un mot que l’on passe sous les bureaux en murmurant « fais passer », un chat perché exalté, des fous rires dans les escaliers. Rien n’égale un œil jeté sur la copie du voisin, une dispute pour un rien, quitte à se bastonner un peu et ensuite rigoler. Rien n’a plus de saveur que les copains, les vrais, ceux qu’on serre et qu’on pousse, ceux dont on se souviendra encore dans vingt ans en riant. Chère maîtresse, les…

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Jour 16

Chère maîtresse, Aujourd’hui c’était Verdun… J’étais très étonnée, passer des Huns à Verdun, c’est quand même peu commun. J’ai eu beau lire et relire le programme du jour, cela n’y était pas. Et pourtant je vous l’assure, aujourd’hui c’était Verdun… La guerre a explosé pour un vulgaire jouet que trois enfants se disputaient. L’enfermement, le confinement, le mauvais temps, voilà comment un conflit naît. Il faut dire, les parents interdisent toute activité ! « Qui veut faire du base-ball dans le salon ? Et accrobranche sur la rampe ? Du skateboard dans l’escalier ? » Non, non et non, c’est toujours non… Sous mon regard effaré, trois enfants se disputent un jouet, s’avancent menaçants, portant sur le front une mâle assurance…Ils partent à trois, mais par un prompt renfort d’animaux Schleich et de munitions, ils se voient 300 en arrivant au front. Les voilà qui attaquent, les projectiles volent, des lions, des schtroumpfs, des loups, des ours, et même un pangolin. Et qu’ils se tirent les cheveux : « C’est à moi, je te l’ai dit ». Je vois, sous mes yeux terrifiés, le canapé poussé, une embuscade se tendre. Un autre se tapit derrière le gros ordi. Un farfadet…

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Jour 15

Chère maîtresse,C’est lundi, le temps est gris et le cœur aussi… Et en plus, il y a géographie… Non pas que je n’aime pas… C’est juste, comment dire ? Après 35 cartes muettes interactives de l’Europe à remplir, je ne sais toujours pas placer la Bulgarie… Dans ma tête, c’est une vraie macédoine, tout se mélange, alors que mon fils, lui, maîtrise déjà par cœur la carte des Etats-Unis… Alors, le cœur en berne et la géo avec, je cherche un coin tranquille pour consulter Facebook en paix… Bien sûr, les toilettes... Et là, c’est le déclic. Une épiphanie. Notre papier toilette a pensé à tout et me hurle de sa langue blanche : « WELCOME IN LONDON ». Sauvée par du PQ, qui l’eut cru ? Mon cœur palpite, mon esprit s’emballe, j’entends Baudelaire lui-même m’inviter au voyage. « Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d'aller là-bas vivre ensemble!” Mes mains fébriles s’emparent du rouleau. Ah, chère maîtresse, nous voilà partis ! De la géo mais sac au dos ! « Les enfants, prenez vos gourdes, attachez vos ceintures, on décolle ! ». Ils me regardent éberlués. « Maman est zinzin, non ?" Mais non, maman est…

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Jour 13

Chère Maîtresse, Hélas, c’est samedi… Et maintenant, que vais-je faire ? Les enfants errent dans la maison, s’excitent, et je m’ennuie… Pour me consoler, je vous ai concocté un poème, que vous recopierez dans le cahier rouge et illustrerez pour la rentrée, merci. La maman ayant trimé d’arrache-pied Se trouva fort dépourvue Quand samedi fut venu… Pas un seul petit exo de maths ou d’histoire-géo… Elle alla crier famine, Chez la maîtresse, sa voisine, La priant de lui prêter Une dictée pour subsister Jusqu’à la semaine nouvelle. « Il faut m’aider, lui dit-elle, Les enfants crient, c’est infernal, Il me faut toutes vos annales ! » La maîtresse est pointilleuse, c’est là son moindre défaut. « Où étiez-vous à la dernière sortie de classe ? Dit-elle à cette ennuyeuse. - Nuit et jour, à tout venant, je bossais, ne vous déplaise. - Ah, vous bossiez, j’en suis fort aise. Eh bien ! Jouez, maintenant !

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Jour 12

Chère maîtresse, Si vous saviez comme je suis fière de ma nièce ! Je ne peux que vous partager sa réflexion d’une immense maturité. Pour une enfant de 8 ans, vous ne sauriez la lire sans en être étonnée. Figurez-vous que son institutrice leur demande tous les matins de rédiger une pensée du jour. Apprendre à penser, n’est-ce pas la spécificité du pays des Lumières ? Je ne peux qu’applaudir cette initiative. Par les temps et les virus qui courent, c’est d’autant plus important ! Pensons à tous ces pauvres enfants confinés, enfermés dans leurs pensées. Voilà donc ma nièce face à sa pensée du jour. La réponse est admirable : « Je n’aime pas la pensée du jour. Je n’ai pas d’idées, et elle est inutile. » N’est-ce pas d’une grande sagacité ? Un esprit obtus y verrait une once de lassitude mâtinée d'insolence. Que nenni ! « Nous sommes nos choix », disait Sartre. Vous comprenez la puissance de cette opposition ? A 8 ans, cette enfant a tout compris. Il y a du Sartre dans son non et surtout beaucoup d’audace: la force d'exister. Dans ce « je n’ai pas d’idées », je note également une référence…

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Jour 11

Chère maîtresse, aujourd'hui, j'ai fait un affreux cauchemar. Mes mains sont encore moites, mon cœur palpite trop vite. Trigonométrie...Rien que son nom me glace le sang. A quoi sert vraiment cette matière imprononçable? Parce que franchement, au bureau, hormis les ORL, je ne vois pas bien qui parle de sinus (et cosinus) à la machine à café... Seulement voilà. Aujourd'hui, j'ai eu une révélation. Les cieux se sont ouverts devant moi et m'ont parlé trigo. Aujourd'hui, nous avions musique. En ligne. Via whatsapp. Quel rapport ? Ah, chère maîtresse, ne soyez pas si terre-à-terre. C'est une question de plan ! Imaginez. Vous êtes flûtiste. Vous prenez votre téléphone, vous le posez sur le pupitre, vous jouez, le prof voit, le tour est joué. Plan 2D. Remplacez le pipeau par une batterie... Le plan 2D coince, on ne voit rien. Et vlan, sinus et cosinus, les Laurel & Hardy de la géométrie... Imaginez: quel triangle tracer entre la batterie, le téléphone, - qui doit la voir entièrement-, et le pupitre, le tout en restant audible ? Mes mains redeviennent moites, mon cœur palpite trop vite. Parce que quand on achète une batterie, on ne pense pas à la prendre au format…

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Jour10

Chère maîtresse, la répétition est à la base de la pédagogie... Vous saviez? Je suis sûre de vous l'avoir entendu dire... J'en ai fait mon expérience. Grammaire du matin, chagrin (c'est un adage populaire bien connu). Exercice sur le verbe: "Souligne le verbe en rouge et donne son infinitif". Jusque là tout va bien. On attaque la 1ere phrase: "Tous les jours je fais de l'activité physique". Comme mon fils me l'explique, un verbe est une action, donc on souligne "activité". CQFD... 2e phrase (ciel, il y en a 10): "Nous sommes dans le jardin". La question fuse: "Maman, c'est quoi l'infinitif de sommes? Sommer? " Je lui lance un air déconfit... N'a-t-on pas conjugué plus de 15 fois les verbes être et avoir? Dans l'ordre, le désordre, à l'endroit et à l'envers? La répétition est à la base de la pédagogie. Je soupire, j'ouvre le cahier de leçons, page ETRE & AVOIR, je mets le doigt sur le verbe ETRE. "Et donc, c'est quel verbe?" "Euh... nous sommes..."Silence. "Euh, je suis?"... Je tapote nerveusement sur ETRE: "Nous sommes, ça vient de quel verbe?". "Je sais! Avoir!" Je prends ma respiration. La répétition est à la base de la pédagogie.…

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