JOUR 50

JOUR 50 Chère Maîtresse, Après la philosophie chinoise et l’histoire égyptienne, voici que mon fils s’attaque aux poètes du XVIIe siècle… On n’arrête plus son appétit pour la culture ! Les vertus du confinement, qui l’eut cru ? Son dessin, croqué à la va-vite sur un cahier taché, c’est tout Boileau en fait ! N’est-ce pas évident ? « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. » Voilà… Je crois que Boileau a écrit cela pour nous, en se projetant dans 2020. Nul besoin de tergiverser, soyons directs quand trois mots suffisent, preuve que le sentiment de mon fils est bien conçu et que tout est bien clair : « MARRE DU CONFINEMENT ». L’émoticône en grrr est bien sûr un plus que Boileau ne pouvait inventer, mais enfin, il faut vivre avec son temps… Ah, maîtresse, je crois que les enfants ont ce don de dire simplement ce que tout le monde a très envie d’exprimer. C’est merveilleux. Encore bravo pour tout ce travail culturel de fond que vous avez mené en classe cette année. Je suis bien heureuse de voir mon fils aussi cultivé : les pharaons, Confucius, Lao Tseu,…

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Jour 38

Chère Maîtresse, hier, j’en ai eu gros sur la patate. Laissez-moi vous raconter par le menu. J’aurais mérité de gagner TOP CHEF tant j’avais mitonné un bon programme à mes chers petits. Il faut dire qu’on avait du pain sur la planche. A 9h, tout le monde était prêt en rang d’oignons, et nous voici au coloriage en PS, à tracer sur une feuille des arcs-en-ciel. 9h30 : chorale. Je m’époumone « savez-vous planter les choux », je tape des mains, frappe des pieds, mais la mayonnaise ne prend pas. Mon adorable enfant me regarde avec des yeux comme deux ronds de flan : « Maman, c’est quand qu’on va à l’école ? » 10h : véritable MacGyver du confinement, je transforme une boîte d’œufs en exercice de maths : « prends une carte avec un chiffre, et mets autant de billes dans la boîte que sur la carte ». On fait et on refait, le compte n’est jamais bon, cela commence à nous prendre le chou (qu’on ne sait toujours pas planter) et on dit à l’exercice d’aller se faire cuire un œuf... 11h : c’est la récré, tout le monde hurle et se dispute. La moutarde me monte…

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Jour 37

Chère Maîtresse, Aujourd'hui, nous avons décidé de nous offrir une petite page d’histoire. Et nous voici plongés dans la Grande Vadrouille, monument d’anthologie à la qualité historique et objective certaine. Les enfants étaient ravis, ils avaient compris la Pat' Patrouille et s’attendaient à voir une bande de chiots précoces nous délivrer de notre virus ennemi. Dès les premières secondes, ils ont déchanté en découvrant la première phrase du générique : « Les films CORONA présentent »… « Maman, non, pas un film d’horreur ! » Je précise que ce n’est pas une blague, photo à l'appui... Ils étaient tous à trembler sous la couette et nous avons dû jurer que ce film n’était pas contagieux. Par mesure de sécurité, ils l’ont regardé masqués. Après cette parenthèse historique, où les anglais sont des pochtrons, les français des hystériques et les allemands n’en parlons pas, mon moyen ne cessait de sursauter en entendant la langue de Goethe. Comme nous habitons Munich, c’est pour le moins gênant. Pendant le dîner, la conversation dérive sur la Thaïlande. « C’est où ? », me demande-t-il. « En Asie ». Le revoilà sous la table : « En nazi, mais il ne faut surtout pas y…

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Jour 36

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’était la rentrée. Une rentrée qu’on aurait bien aimé faire en classe, mais que l’on fera sur place. Mon fils, encore tout endormi, m'a demandé comment on pouvait rentrer puisqu'on n'était jamais sorti... C'était une bonne question. Il a fallu ruser... Ni une ni deux, tout le monde sac sur le dos, on ouvre la porte, on sort, on fait le tour de la maison, on entre par l'autre porte. La classe peut commencer... Face au ciel bien terne et au coeur des enfants en berne, votre idée de leur faire écrire une poésie sur les nuages a été un vrai rayon de soleil. Je vous retranscris ci-dessous celle de mon fils, que je trouve bien jolie : Les nuages sont un bonheur. Il nous apporte la pluie, les gouttes d’eau. Tout ce qui nous rend heureux ! Les enfants sautent dedans. Les gens sautent de joie, les martiens sont contents. Les adultes aussi. Ils peuvent essayer leurs nouveaux parapluies. Les escargots sont contents. Ils sortent enfin de leurs belles coquilles. Les jardiniers sont contents, plus besoin d’arroser les légumes. Les nuages sont un bonheur. Chère maîtresse, vous ne pouviez pas trouver thème plus joli pour cette…

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JOUR 26

Chère Maîtresse, Le soleil brille haut, les petits oiseaux chantent dans le ciel, les nuages nous saluent, c’est le printemps ! Ah, si seulement nous pouvions tous sortir et cesser de jouer au base-ball sur le canapé. Car oui, je vous le dis sans ambages, mon logis est un taudis… Ah, maîtresse, maîtresse, vous l’aurez compris, nos maisons ne se remettront pas de ce virus maudit. Imaginez trois adorables lions enfermés dans une cage, dorée, certes, mais une cage quand même. Les meubles renversés en une seule journée, les jouets éparpillés, je ne cesse de ranger... Et vive le balai... O rage, ô désespoir, ô confinement ennemi, N’ai-je donc tant vécu que pour ce grand taudis ? Et ne suis-je blanchie dans les tâches ménagères Que pour voir, en un jour, tout couvert de poussière ? Mon bras qu’avec respect toute la famille admire, Mon bras qui tant de fois a sauvé le tapis, Tant de fois astiqué les chaises et le buffet Ne sait donc plus que faire et ne peut me sauver ? O cruel souvenir de mon ordre passé, Œuvre de tant de jours en une heure effacée... Jouets, peluches, voitures, vous aurez-donc ma perte ? Maîtresse,…

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Jour 25

Chère Maîtresse, Aujourd’hui, c'était littérature. « Les enfants, on va jouer à la librairie. Vous allez chercher les livres qui vous plaisent, et nous, on viendra les acheter. » Ou comment les introduire en douceur aux plus grands auteurs français. On cherche, on fouille, et la « librairie du bonneheure » ouvre ses portes. Deux libraires hilares m’attendent en se fendant la poire. La sélection est pour le moins hétéroclite. J’y reconnais même mes romans, en bonne position sur le rayon, c'est une bonne librairie. « Bonjour, dis-je, je voudrais un livre pour un papa. » Le plus jeune se précipite : « Pour papa, je recommande "Chhht !" parce qu’il arrête pas de le dire en ce moment, et "Grosse colère", comme celle qu’il a faite quand Martin a hurlé « pipi ! » pendant sa conférence téléphonique. » Ah, fort bien… La vérité sort de la bouche des libraires. Et pour moi que diriez-vous ? « Hum, "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire", parce que c’est bientôt le tien, et que t’es vieille, enfin… pas trop mais un peu quand même ! » Comme c’est attentionné. Je ramasse mon sourire éparpillé par terre. « Et…

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Jour 23

Chère maîtresse, Hier, nous avons révisé la leçon sur le verbe. Vous serez surprise de savoir qu'elle a changé ma vie… Pour de vrai. J’ai eu une révélation. Une épiphanie. Un bouleversement pédagogique qui révolutionne à tout jamais la manière dont je parle à mes enfants. Vous dites : « Pour trouver le verbe, je le mets à la forme négative ». Sur le coup, j’ai bien cru que le confinement vous montait à la tête. Mais comme je suis de nature confiante, vous ordonnez, j’exécute. « Mon chéri, dis-je, si je dis « le chat guette la souris », où est le verbe ? ». « C’est simple, répond-il, tu dis « le chat NE guette PAS la souris », c’est guetter. » Les cieux se sont ouverts devant moi. Il suffit donc de parler à la forme négative pour se faire entendre, pourquoi n’avais-je jamais été informée ? J’ai essayé toute la journée. Je vous le jure, ça marche ! Au lieu de crier « Range ta chambre, je te l’ai déjà dit dix fois », j’ai murmuré : « NE range PAS ta chambre mon chéri, je NE te l’ai PAS dit dix fois. » Mon fils…

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Jour 18

Chère maîtresse, Quelle délicieuse journée j'ai passée. Aujourd'hui tous les enfants ont travaillé, sans crier ni trépigner... Dire qu'il faut attendre la veille des vacances pour que le miracle arrive... J'ignorais que mon fils savait travailler de manière aussi concentrée. Même le tout petit a fait son coloriage sans moufter... Et figurez-vous que j'ai même été bichonnée: un verre de Coca par-ci, des M&Ms par-là... Tout aurait été merveilleux si cela n'était pas allé avec une 2nde angine en 15 jours et un hérisson dans la gorge. Les mauvaises langues diront qu'enseigner me rend malade... Mais du fond de mon lit me vient une idée diabolique... Pourquoi ne pas un petit peu prolonger ? Surjouer? Demain, chez le médecin, je demande un arrêt... "Ah, les enfants, je suis bien fatiguée... Papa va gérer, je ne peux me lever..." Qui n'a pas déjà eu la fièvre du contrôle de maths? Alors c'est décidé, une fois cette fièvre passée, je continuerai à la jouer, comme si de rien n'était.. Et quelles délicieuses vacances je vais enfin passer, au lit, avec un livre, et des enfants parfaits !

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Jour 9

Chère maîtresse, quelle histoire, cette première vidéo-classe ! Il fallait voir la tête de mon fils quand il a appris. Dès le matin, il avait la banane d'une oreille jusqu'à l'autre. A 11 heures pétantes, il piaffait devant l'ordi. "Et on allume comment?" Ben là, c'est simple, t'as tout éteint...Et qu'il tire sur les fils, branche et débranche. Le voilà enfin, casque et micro chaussés, à se fendre la poire, hilare. Des petites têtes apparaissent à l'écran. On se salue, on crie de joie, on se fait signe: "Coco, t'es là, t'as pas changé dis donc ! " A croire qu'ils s'étaient donné rendez-vous dans dix ans, même jour même heure même pommes ! Le cours commence: l'invasion des Huns. J'aurais plutôt misé sur celle des CM1. 25 petits sauvages tordus de rire hennissent à l'écran et s'agitent dans tous les sens. Le déferlement des barbares en temps réel! Ils en oublient même qu'ils ne sont pas en classe. Depuis le couloir, je vois le mien taper discrètement sur l'icône de son copain: "Pstt…" L'autre ne répond pas. Forcément. Un peu plus fort… "Arthuro". Toujours rien. Air désespéré de l'intéressé qui continue à faire de grands signes à l'écran. Comment…

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Jour 33

Chère Maîtresse, Eh bien voilà, c’est bientôt la rentrée… Je suis bien sûr en extase à l’idée de reprendre ma mission d’enseignante, j’apprends tellement auprès de mes enfants. Néanmoins, j’ai une petite faveur à vous demander. Voilà, cela me gêne un peu, d’autant qu’on vous a peut-être dit que j’adorais chanter. Mais par pitié, épargnez-nous, ne donnez plus de chansons à apprendre. Ce programme de PS me stresse, vous n'imaginez pas ! La première semaine, nous avons chanté en boucle « Une poule sur un mur ». Nous avons picoré du pain dur toute la semaine, en lavant le linge, en passant la serpi, en prenant le bain, et même en dormant. La 2e semaine, nous avons travaillé le « rock’n’roll des gallinacés » (un mot bien inutile au demeurant). On a eu du « cot cot cot codet » à toutes les sauces, mon fils ne retenant que cette phrase, une fois, deux fois, mille fois, et je me suis surprise à la chantonner en rythme en bossant lundi, toute seule derrière mon ordi…Et mon aîné aussi, quand il faisait pipi... Et la dernière semaine, « pomme de reinette » m’a mis sur le tapis. Alors bien sûr, je…

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