JOUR 46

JOUR 46 Chère Maîtresse, Les enfants ont l’art de se poser des questions essentielles. En ce moment, tous les débats familiaux tournent autour du port du masque. Où et quand, masque ou pas masque, telle est la question… Il y a ceux qui aiment, ceux qui n’aiment pas, ceux qui suffoquent, ceux qui s’en moquent. Il n’en résulte pas moins que le port du masque est ici obligatoire dans les transports et les magasins. Nouvelle annonce de taille, les piscines rouvriront fin mai. Pour les Allemands, le Freibad, extraordinaire piscine publique extérieure à espaces multiples est une institution. Les enfants en rêvent toute l’année et attendent dès mai leur ouverture en trépignant. Suite à cette annonce, les questions vont bon train. « Est-ce qu’il faudra porter un masque aussi ? Faudra-t-il une distance de sécurité dans la queue du toboggan ? Comment on fera pour manger une glace ? » Mon plus grand me regarde d’un coup d’un air songeur. A 10 ans, on comprend mieux la vie, c’est certain. Il me dit : « Mais, maman, tu te souviens, au Freibad, il y a des espaces spéciaux pour les gens tout nus, tu sais, derrière les barrières… » Je…

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JOUR 40

JOUR 40 Chère Maîtresse, Aujourd’hui, j’ai vécu un rêve. C’était si doux… Et je m’endors ce soir des étoiles plein les yeux. C’est pour cela que je vous écris, c’est important : dites bien aux enfants que cela arrive vraiment, que les Cendrillons se transforment en princesses, que oui, il suffit d’en rêver pour le devenir ! Et cela marche aussi pour les petits princes. Alors voilà… Ce matin, je me suis levée tout excitée : c’était enfin le grand jour. Trois semaines que je l’attendais et que je devais sans cesse passer mon tour : ma première angine, celle de mon fils, ma seconde angine.. Je voyais à chaque fois mon mari sortir ravi et revenir détendu. Mais ce matin, tout allait bien : les petits oiseaux m’ont réveillée, j’ai sauté de mon lit, chanté devant mon placard, j’ai sorti ma tenue de lumière, un peu poussiéreuse mais si merveilleuse, et chaussé mes pantoufles de vair. A talon bien sûr, hauts, très hauts, il fallait fêter ça ! Ah maîtresse, quelle joie, aujourd’hui, je sortais ! J’ai quitté ma tenue ménagère, délaissé mon boulot, oublié les lessives, me suis coiffée, maquillée, j’ai même verni mes ongles. De nos jours,…

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JOUR 39

JOUR 39 Chère Maîtresse, Je crains fort que l’on nous ait menti… Dès le début de confinement, les gens criaient de tous côtés qu’enfin, enfin, nous allions lire ! Et moi de me réjouir de cette si belle opportunité… Six semaines ont passé, et mon bilan semble bien maigre… En raclant bien les fonds de tiroirs, je ne trouve guère plus que 2 Elle, 1 Paris Match, et tout de même un roman de 200 pages… Pour me donner bonne figure, j’ajoute bien volontiers 350 lectures du Gruffelo, 235 de Timoté fait du ski, et une douzaine d’Au lit les affreux. Voilà…Ce bilan chétif m’a de fait questionnée… Après avoir tourné et retourné la question dans tous les sens, j’ai trouvé la solution… Mais pour vous aider à passer le temps, je vous la laisserai deviner. Chère Maîtresse, une mère de 3 enfants effectue 2 lave-vaisselle par jour. Il faut 10 minutes pour le charger, et 10 minutes pour le vider. A cela s’ajoute pas moins de 7 lessives par semaine, 10 minutes à charger, 30 minutes à étendre, détendre, vider, plier, ranger…J’ajoute volontiers 3 repas par jour (10 minutes pour mettre le couvert, 15 pour ranger), dont deux qui…

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Jour 37

Chère Maîtresse, Aujourd'hui, nous avons décidé de nous offrir une petite page d’histoire. Et nous voici plongés dans la Grande Vadrouille, monument d’anthologie à la qualité historique et objective certaine. Les enfants étaient ravis, ils avaient compris la Pat' Patrouille et s’attendaient à voir une bande de chiots précoces nous délivrer de notre virus ennemi. Dès les premières secondes, ils ont déchanté en découvrant la première phrase du générique : « Les films CORONA présentent »… « Maman, non, pas un film d’horreur ! » Je précise que ce n’est pas une blague, photo à l'appui... Ils étaient tous à trembler sous la couette et nous avons dû jurer que ce film n’était pas contagieux. Par mesure de sécurité, ils l’ont regardé masqués. Après cette parenthèse historique, où les anglais sont des pochtrons, les français des hystériques et les allemands n’en parlons pas, mon moyen ne cessait de sursauter en entendant la langue de Goethe. Comme nous habitons Munich, c’est pour le moins gênant. Pendant le dîner, la conversation dérive sur la Thaïlande. « C’est où ? », me demande-t-il. « En Asie ». Le revoilà sous la table : « En nazi, mais il ne faut surtout pas y…

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Jour 36

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’était la rentrée. Une rentrée qu’on aurait bien aimé faire en classe, mais que l’on fera sur place. Mon fils, encore tout endormi, m'a demandé comment on pouvait rentrer puisqu'on n'était jamais sorti... C'était une bonne question. Il a fallu ruser... Ni une ni deux, tout le monde sac sur le dos, on ouvre la porte, on sort, on fait le tour de la maison, on entre par l'autre porte. La classe peut commencer... Face au ciel bien terne et au coeur des enfants en berne, votre idée de leur faire écrire une poésie sur les nuages a été un vrai rayon de soleil. Je vous retranscris ci-dessous celle de mon fils, que je trouve bien jolie : Les nuages sont un bonheur. Il nous apporte la pluie, les gouttes d’eau. Tout ce qui nous rend heureux ! Les enfants sautent dedans. Les gens sautent de joie, les martiens sont contents. Les adultes aussi. Ils peuvent essayer leurs nouveaux parapluies. Les escargots sont contents. Ils sortent enfin de leurs belles coquilles. Les jardiniers sont contents, plus besoin d’arroser les légumes. Les nuages sont un bonheur. Chère maîtresse, vous ne pouviez pas trouver thème plus joli pour cette…

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Jour 32

Chère Maîtresse, Aujourd’hui, nous avons rattrapé notre retard en grammaire et nous sommes penchés sur le PASSIF. Mais voyez-vous, je n’avais jamais réalisé à quel point le passif est ESSENTIEL à la vie d’un enfant ! Je ne cesse d’avoir des révélations face à vos cours de grammaire. Voici un exemple probant : l’autre nuit, mon plus petit débarque à 3 heures du matin avec cette jolie phrase : « Maman, mon lit est tout mouillé ! » Formule merveilleuse, n’est-ce pas, qui a surtout le mérite de le dédouaner de toute responsabilité ! Oseriez-vous accuser mon fils de faire pipi au lit, lui qui vous regarde de son air de chat, les joues baignées de larmes, en essorant son pyjama ! Bien sûr que non, c’est la magie du passif ! Au passif, « le sujet subit l’action ». Chez nous, les enfants sont des oies blanches, et les lits se mouillent tout seuls. Même prodige dans la cuisine : voici que les placards sont accusés de tous les maux : « Maman, le chocolat a été fini ! » [Penses-tu, mon chéri, tu en as pris 5 carrés hier, et tes frères au moins autant!] Du fond de…

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Jour 31

Chère Maîtresse, Ce matin, mon fils évoque une certaine « Iphygiénique ». N’est-ce pas extraordinaire ? Je ne peux que m’ébahir de la culture acquise cette année par mes enfants auprès de vous, et j’ai d’abord envie de vous dire bravo, parce qu’à 8 ans, connaître "Iphigénie", Racine et le théâtre du XVIIe siècle, cela me laisse sans voix… J’entends d’ici les applaudissements confinés de nos chers académiciens. Mais surtout, ne faut-il pas voir dans cette déformation d’Iphigénie, couplée à « hygiénique », une étonnante sagacité ? Les enfants ont toujours eu cette espèce de 6e sens que les adultes ont perdu, une sorte de naïveté primitive et candide qui leur permet de voir plus loin. Mon fils savait-il à l’avance que l’enjeu le plus crucial de ce début d’année 2020 serait le papier hygiénique ? Car oui, l’hygiène est bien le nerf de la guerre. Je me rengorge donc, je glousse, je lui caresse la tête. Je lui demande : « Mais comme c’est bien mon chéri, où as-tu entendu parler d’Iphigénie ? ». Réponse blasée : « Ben à l’école ». Ah, chère maîtresse, j’ai toujours su que vous étiez exceptionnelle, au moins autant que mon fils. «…

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Jour 30

Chère Maîtresse, Hier, quand nous avons eu l’annonce que l’école n’allait pas rouvrir tout de suite toute de suite, une fois le choc passé, mon fils m’a dit avec une grande maturité. « Tu sais, je ne suis pas triste. Les copains me manquent, mais quand on fait l’école à la maison, y a plus de cours le matin, et c’est vraiment mieux. » Ah maîtresse, vous imaginez ma joie ! Ce moment de reconnaissance suprême où mon fils me dit que je suis mieux que vous ! Sans vouloir vous offenser, il faut bien reconnaître que cela fait plaisir. Parce que pour vous, tout est facile et évident, bien sûr, vous connaissez toutes les ficelles du métier, mais pour nous, pauvres parents, quel désarroi ! Je l’ai toujours su, les enfants ne sont pas ingrats, ils savent se rendre compte des efforts fournis et de la qualité du travail accompli ! Je me rengorge, je cache mon sourire, je décide de creuser, de repasser un petit coup de pommade : « Ah oui, les cours sont plus longs ? Tu veux dire que tu aimes bien quand on travaille ensemble, toi et moi ? » Il en lâche le…

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Jour 29

Chère Maîtresse, Aujourd’hui c’est férié, mais il m’est arrivé quelque chose de si extraordinaire que j’avais envie de vous le raconter. Aujourd’hui j’ai bossé ! Oui, oui, en vrai, plusieurs heures d’affilée, sans être interrompue, et je me suis sentie… comment dire… en vacances ! C’était une sensation étrange que j’avais presque oubliée. Attention, ne vous méprenez pas, je ne dis pas qu’être maîtresse pendant les dernières semaines n’était pas un travail, bien sûr que si, surtout quand j’imagine que vous, vous en avez 25 ! Vous êtes ma déesse ! Mais là, je parle bien de mon vrai travail ! J’avais même oublié que j’en avais un, j’ai dû relire ma job description avant de m’y remettre… Le jour était bloqué depuis des semaines dans mon agenda. Forcément, un jour férié, mon mari serait rentré ! Vous comprenez, ces dernières semaines, il a été en déplacement tout le temps. Il ne cessait de voyager entre la cave et le frigo, impossible de le déranger. « Tu comprends chérie, la cave, c’est quand même plus calme pour les appels importants. » Et pendant ce temps-là, moi, je n’ai fait que jouer : à la maîtresse, à la cantinière, à l’infirmière,…

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Jour 33

Chère Maîtresse, Eh bien voilà, c’est bientôt la rentrée… Je suis bien sûr en extase à l’idée de reprendre ma mission d’enseignante, j’apprends tellement auprès de mes enfants. Néanmoins, j’ai une petite faveur à vous demander. Voilà, cela me gêne un peu, d’autant qu’on vous a peut-être dit que j’adorais chanter. Mais par pitié, épargnez-nous, ne donnez plus de chansons à apprendre. Ce programme de PS me stresse, vous n'imaginez pas ! La première semaine, nous avons chanté en boucle « Une poule sur un mur ». Nous avons picoré du pain dur toute la semaine, en lavant le linge, en passant la serpi, en prenant le bain, et même en dormant. La 2e semaine, nous avons travaillé le « rock’n’roll des gallinacés » (un mot bien inutile au demeurant). On a eu du « cot cot cot codet » à toutes les sauces, mon fils ne retenant que cette phrase, une fois, deux fois, mille fois, et je me suis surprise à la chantonner en rythme en bossant lundi, toute seule derrière mon ordi…Et mon aîné aussi, quand il faisait pipi... Et la dernière semaine, « pomme de reinette » m’a mis sur le tapis. Alors bien sûr, je…

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