Un lapin à paillettes roses

Chère Maîtresse, Hier, il a travaillé d’arrache-pied. Non pas pour sa dictée, mais pour gagner trois sous. « Tu sais, m’a-t-il dit d’un air entendu, j’ai besoin d’argent pour… rien. » Mon fils est un panier percé. Les rares pièces qu’il possède lui brûlent sans doute les doigts. Le voilà au boulot, à briquer ma voiture épouvantable de crasse, intérieur, extérieur, un pschitt par-ci, un coup d’aspi par-là, à trier l’Himalaya de chaussettes orphelines qui attendaient leur heure sagement. Ce soir, à la sortie de l’école, je savais qu’il demanderait à nous accompagner, son frère et moi, chez l’orthophoniste… Dans le même immeuble, un magasin de jouets. Nous partons. Je l’observe, la poche remplie de ses trois sous, le sourire satisfait. Seulement voilà. Une fois le petit frère déposé, il me montre du doigt un magasin de petite déco, une caverne d’Ali Baba où j’adore déambuler. Il furète, regarde tous les prix sans rien dire, la vie des grands coûte décidément cher. Soudain, ses yeux s’écarquillent. « J’ai trouvé », jubile-t-il. Il me somme de détourner les yeux, pose son trésor sur la caisse, et emporte contre son cœur un paquet de papier blanc qu’il tient comme un trésor. On…

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Les grandes feuilles de canson

Chère maîtresse, La jeunesse me stupéfie. Je ne parle pas de la mienne, naturellement éclatante, mais bien de mes enfants. Mon fils rentre hier soir : « Maman, je dois faire un exposé de géographie avec deux copains. » « Génial, dis-je, j’ai encore quelques grandes feuilles pour préparer vos panneaux. » Il m’observe d’un air navré et soupire. De mon temps, pour un exposé, je descendais acheter à la papeterie des grandes feuilles de canson. Puis nous passions des heures à écrire le titre au feutre ou au pastel, sans déborder, sur des lignes préalablement tracées. Enfin, comble de la technologie, nous imprimions quelques images et quelques textes, les découpions et les collions. L’exposé trônerait ainsi sur les murs de la classe jusqu’à l’été. On se retrouvait avec ma copine le mercredi après-midi pour préparer tout ça. Ah… [soupir]. Ni une ni deux, mon fils allume l’ordi. Il crée un power point, un lien de partage et le balance à ses copains par la magie du Saint-Esprit. Hurlement de joie : « Maman, c’est tellement drôle, je les vois écrire en même temps que moi, on dirait des fantômes dans ma présentation… » J’en reste comme deux ronds de…

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Ma mère, elle n’est plus là

Chère maîtresse, C’est moi et pas ma mère qui vous écris aujourd’hui. Voilà, je voudrais vous dire que je n’arriverai pas du tout à travailler mon contrôle d’anglais de la semaine prochaine. Ben oui, j’ai besoin de ma mère pour ça, et en fait, c’est la cata, elle n’est plus là. Enfin, si, elle est là dans la maison, mais elle ne me voit pas. Depuis qu’elle a recommencé à travailler sur son roman, tout est devenu trop compliqué. Le soir, elle a la tête en l’air, on lui parle, mais elle ne nous écoute plus, et d’un coup elle a un sursaut et elle se précipite pour écrire des choses dans son carnet. Et même quand on fait des bêtises, elle ne dit rien et elle rigole d’un air absent. Ce n’est pas facile vous savez et ça me donne beaucoup de travail. Faut toujours être là pour réparer les dégâts. Elle a mis une machine sans le linge dedans, oublié le dîner dans le four, elle a servi du coca au chien et de la pâté à table. Vraiment, oui, c’est très très compliqué. Et le pire c’est que quand je rentre de l’école, je vois bien qu’elle…

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La maîtresse punk

Chère Maîtresse, Hier mon fils rentre de l’école les yeux encore écarquillés de stupeur. « Tu sais quoi ? Aujourd’hui, on avait une remplaçante et … et elle était… » Je sens qu’il hésite à dire le mot. « Elle était punk ». Voilà, le mot est lâché et il le regarde se tortiller par terre sans trop oser y croire. « Comment ça, elle était punk ? » je demande en riant. « Eh bien, punk avec les cheveux roses fluo sur le dessus, rasés sur le côté, et des piercings partout. » Chère maîtresse, comprenez son étonnement. Depuis 12 ans que nous fréquentons l’établissement, nous avions été habitués à plus de classicisme. Je commence par appeler la cantine pour vérifier le menu. Non, pas de champignon hallucinogène dans l’omelette. J’envoie un whatsapp au groupe de parents pour vérifier les dires des autres enfants. Non, mon fils n’a pas fumé son cahier de grammaire. Tous confirment : la maîtresse est une punk. Mais attention, précisent-ils : une punk sévère mais très gentille. Ah, chère maîtresse, j’aurais tant aimé être dans votre classe aujourd’hui, pour admirer la tête des bambins étourdis par aussi peu de conventionnalisme. Merci de briser les…

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